Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/189

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J’ai osé lui dire : Repentez-vous et mourez… moi ! Oh ! non ! non ! elle vivra… elle me suivra… Nous allons fuir, quitter la France, aller devant nous tant que la terre pourra nous porter. Je lui parlais d’échafaud !… Grand Dieu ! comment ai-je osé prononcer ce mot ! Mais, moi aussi, l’échafaud m’attend !… Nous fuirons… Oui, je me confesserai à elle ; oui, tous les jours je lui dirai, en m’humiliant, que, moi aussi, j’ai commis un crime… Oh ! alliance du tigre et du serpent ! oh ! digne femme d’un mari tel que moi !… Il faut qu’elle vive, il faut que mon infamie fasse pâlir la sienne !

Et Villefort enfonça plutôt qu’il ne baissa la glace du devant de son coupé.

— Vite, plus vite ! s’écria-t-il d’une voix qui fit bondir le cocher sur son siège.

Les chevaux, emportés par la peur, volèrent jusqu’à la maison.

— Oui, oui, se répétait Villefort à mesure qu’il se rapprochait de chez lui, oui, il faut que cette femme vive, il faut qu’elle se repente et qu’elle élève mon fils, mon pauvre enfant, le seul, avec l’indestructible vieillard, qui ait survécu à la destruction de la famille ! Elle l’aimait ; c’est pour lui qu’elle a tout fait. Il ne faut jamais désespérer du cœur d’une mère qui aime son enfant ; elle se repentira : nul ne saura qu’elle fut coupable ; ces crimes commis chez moi, et dont le monde s’inquiète déjà, ils seront oubliés avec le temps, ou, si quelques ennemis s’en souviennent, eh bien, je les prendrai sur ma liste de crimes. Un, deux, trois de plus, qu’importe ! ma femme se sauvera emportant de l’or, et surtout emportant son fils, loin du gouffre où il me semble que le monde va tomber avec moi. Elle vivra, elle sera heureuse encore, puisque tout son amour est dans son fils, et que son fils