— C’est magnifique ; d’ailleurs je lui citerai l’exemple de madame de Morcerf et de son fils.
— Quel exemple ?
— Ils ont donné toute leur fortune aux hospices.
— Quelle fortune ?
— Leur fortune, celle du général de Morcerf, du défunt.
— Et à quel propos ?
— À propos qu’ils ne voulaient pas d’un bien si misérablement acquis.
— De quoi vont-ils vivre ?
— La mère se retire en province et le fils s’engage.
— Tiens, tiens, dit Danglars, en voilà des scrupules !
— J’ai fait enregistrer l’acte de donation hier.
— Et combien possédaient-ils ?
— Oh ! pas grand-chose : douze à treize cent mille francs. Mais revenons à nos millions.
— Volontiers, dit Danglars le plus naturellement du monde ; vous êtes donc bien pressé de cet argent ?
— Mais oui ; la vérification de nos caisses se fait demain.
— Demain ! Que ne disiez-vous cela tout de suite ; mais c’est un siècle, demain ! À quelle heure cette vérification ?
— À deux heures.
— Envoyez à midi, dit Danglars avec son sourire.
M. de Boville ne répondait pas grand-chose ; il faisait oui de la tête, et remuait son portefeuille.
— Eh ! mais j’y songe, dit Danglars, faites mieux.
— Que voulez-vous que je fasse ?
— Le reçu de M. de Monte-Cristo vaut de l’argent ; passez ce reçu chez Rotschild ou chez Laffitte ; ils vous le prendront à l’instant même.