Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/200

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sourde, il nous faudra chercher… celui que vous savez.

– Oh ! mon Dieu ! s’écria Millette en tressaillant d’épouvante.

– Ne croyez pas, mère, que je veuille vous condamner à associer de nouveau votre existence à celui qui fut envers vous si coupable. Non ; mais il souffre ; il n’a pas d’asile, pas de pain, peut-être, et il est mon père, et je dois partager entre vous et lui le fruit de mon travail. Puis, reprit plus bas Marius, qui sait ? mes supplications l’amèneront peut-être à rompre avec ses déplorables antécédents, et à revenir à une existence plus régulière.

Marius disait tout cela sans emphase, simplement, et quoique avec une énergie qui révélait en même temps la fermeté et l’élévation de son caractère. L’admiration que Millette éprouvait pour son noble enfant lui faisait un peu oublier ses douleurs.

Il en était une cependant qui restait aiguë et cuisante.

Millette n’avait jamais cherché à approfondir les théories sociales ; mais, sans se douter de ce qu’elle faisait, elle les avait battues en brèche. Abandonnée de son mari, il lui avait semblé que la société ne pouvait pas la laisser sans appui. Cet appui se présentant, elle croyait de son devoir d’être aussi dévouée, aussi soumise, aussi fidèle vis-à-vis de celui qui lui avait