Page:Dumas - Le Fils du forçat.djvu/249

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la condamnerez-vous ; mais ma conscience, et pour être franche, un autre sentiment encore l’ont légitimée ; cela me suffit pour que je l’accomplisse. Je suis mademoiselle Madeleine Riouffe.

Le juge s’inclina. La jeune fille releva le voile qu’elle avait conservé jusqu’alors, et son interlocuteur put admirer ce visage qui, malgré sa pâleur, malgré les traces profondes qu’y avaient laissées les angoisses de la nuit horrible qui venait de s’écouler, excita en lui, par sa noblesse et sa beauté, un intérêt véritable.

– J’ai quitté le lit où agonise mon pauvre frère, continua Madeleine, pour venir remplir auprès de vous un devoir impérieux, en face duquel toute autre considération a dû céder.

– Je crois deviner ce qui vous amène, mademoiselle, reprit le magistrat, et, malheureusement je crois prévoir aussi qu’à mon grand regret je serai forcé de répondre par un refus à votre demande. Comme homme, j’éprouve, sans doute, une vive répugnance à livrer à la malignité publique la réputation d’une femme, surtout lorsque cette femme appartient ainsi que vous, mademoiselle, à une famille honorable ; mais le juge doit rester au-dessus de ces considérations. Il relève de Dieu bien plutôt que de ses semblables, et, dans sa mission, il doit, ainsi