— Alors je viens à vous pour que vous me prêtiez quelque chose.
— À moi ?
— Sans doute ; vous m’avez raconté cinquante fois votre voyage en Russie.
— Tiens, au fait !
— Vers quelle époque y étiez-vous ?
— Pendant 1824, 1825, 1826.
— Justement pendant les années les plus intéressantes : la fin du règne de l’empereur Alexandre, et l’avènement au trône de l’empereur Nicolas.
— J’ai vu enterrer l’un et couronner l’autre. Eh mais ! attendez donc !…
— Que je le savais bien !..
— Une histoire merveilleuse.
— C’est ce qu’il me faut.
— Imaginez donc… Mais mieux que cela ; avez-vous de la patience ?
— Vous demandez cela à un homme qui passe sa vie à faire des répétitions.
— Eh bien ! alors, attendez.
Il alla à une armoire et en tira une énorme liasse de papiers.
— Tenez, voilà votre affaire.
— Un manuscrit, Dieu me pardonne !
— Les notes d’un de mes confrères qui était à Saint-Pétersbourg en même temps que moi, qui a vu tout ce que j’ai vu, et en qui vous pouvez avoir la même confiance qu’en moi-même.
— Et vous me donnez cela ?
— En toute propriété.
— Mais c’est un trésor.
— Où il y a plus de cuivre que d’argent, et plus d’argent que d’or. Tel qu’il est, enfin, tirez-en le meilleur parti possible.
— Mon cher, dès ce soir je vais me mettre à la besogne, et dans deux mois…
— Dans deux mois ?..
— Votre ami se réveillera un matin, imprimé tout vif.
— Vraiment ?