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LE MAITRE D’ARMES

Il n’y avait qu’une mauvaise auberge dont, en toute autre circonstance, je n’aurais pas voulu pour servir de chenil à mes chiens, et qui nous sembla un palais.

Le lendemain, en partant, nous laissâmes cinq cents roubles à Georges, en le priant de les partager entre lui et ses camarades.

XXV

À partir de ce moment, tout alla bien, car nous nous trouvions dans ces vastes plaines de la Sibérie qui s’étendent jusqu’à la mer Glaciale, sans qu’on rencontre une seule montagne qui mérite le nom de colline. Grâce à l’ordre dont Ivan était porteur, les meilleurs chevaux étaient pour nous ; puis la nuit, de peur d’accidents pareils à ceux dont nous avions failli être victimes, des escortes de dix ou douze hommes armés de carabines ou de lances nous accompagnaient, galopant aux deux côtés de notre traîneau. Nous traversâmes ainsi Ekaterinbourg sans nous arrêter à ses magnifiques magasins de pierreries, qui la font étinceler comme une ville magique, et qui nous semblaient d’autant plus fabuleux que nous sortions d’un désert de neige, où, pendant trois jours, nous n’avions pas trouvé l’abri d’une chaumière ; puis Tioumen, où commence véritablement la Sibérie ; enfin nous entrâmes dans la vallée du Tobol, et, sept jours après être sortis des terribles monts Ourals, nous entrions à la nuit tombante dans la capitale de la Sibérie.

Nous étions écrasés de fatigue, et cependant Louise, soutenue par le sentiment de son amour, qui croissait à mesure qu’elle se rapprochait de celui qui en était l’objet, ne voulut s’arrêter que le temps de prendre un bain. Vers les deux heures du matin, nous repartîmes pour Koslowo, petite ville située sur l’Irtich, et qui avait été fixée pour résidence à une vingtaine de prisonniers au nombre desquels, comme nous l’avons dit, se trouvait le comte Alexis.