Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/139

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Les loups disparus, Thibault en revint à réfléchir à sa mésaventure de la veille.

Comment se faisait-il que la meunière ne l’eût point préféré à son cousin Landry ?

N’était-il plus le beau Thibault, et s’était-il fait dans sa personne quelque changement à son désavantage ?

Thibault n’avait qu’un moyen de s’en assurer : c’était de consulter son miroir.

Il prit le fragment de glace pendu à la cheminée et l’approcha de la lumière en se souriant coquettement.

Mais à peine eut-il vu son visage, réfléchi par le miroir, qu’il poussa un cri, moitié d’étonnement, moitié de stupeur.

Il était bien toujours le beau Thibault.

Mais son cheveu rouge, grâce aux souhaits imprudents qui lui étaient échappés, s’était converti en une véritable mèche, dont les reflets pouvaient lutter avec les lueurs les plus ardentes de son foyer.

Une sueur froide lui passa sur le front.

Sachant qu’il était parfaitement inutile d’essayer d’arracher ou même de couper les cheveux maudits, il résolut de s’en tenir à ce qu’il en avait, et de faire à l’avenir le moins de souhaits possible.

Il s’agissait de chasser toutes les idées ambitieuses qui l’avaient si fatalement agité et de se remettre à la besogne.

Thibault essaya.

Mais il n’avait plus cœur à l’ouvrage.

Il avait beau chercher dans sa mémoire les Noëls qu’il chantait aux bons jours, alors que le hêtre et le bouleau se façonnaient si prestement entre ses mains, son outil restait inactif pendant des heures entières.

Il rêvait et se demandait s’il n’était pas triste, alors