Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/16

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Ce brûle-gueule était devenu, non pas un accessoire de Mocquet, mais une partie intégrante de Mocquet.

Nul ne pouvait dire avoir jamais vu Mocquet sans son brûle-gueule.

Quand, par hasard, Mocquet ne tenait pas son brûle-gueule à la bouche, il le tenait à la main.

Ce brûle-gueule, destiné à accompagner Mocquet au milieu des plus épais fourrés, devait présenter le moins de prise possible aux corps solides qui pouvaient amener son anéantissement.

Or, l’anéantissement d’un brûle-gueule bien culotté était pour Mocquet une perte que les années seules pouvaient réparer.

Aussi la tige du brûle-gueule de Mocquet ne dépassait jamais cinq ou six lignes, et encore pouvait-on toujours, sur les cinq ou six lignes, parier pour trois lignes au moins en tuyau de plume.

Cette habitude de ne pas quitter sa pipe, laquelle avait creusé son étau entre la quatrième incisive et la première molaire de gauche, en faisant disparaître presque entièrement les deux canines, avait amené chez Mocquet une autre habitude, qui était celle de parler les dents serrées, ce qui donnait un caractère particulier d’entêtement à tout ce qu’il disait.

Or, ce caractère d’entêtement devenait encore plus remarquable lorsqu’il ôtait momentanément sa pipe de la bouche, aucun obstacle n’empêchant plus ses mâchoires de se rejoindre et les dents de se serrer, de manière à ne plus laisser passer les paroles que comme un sifflement à peine intelligible.

Voilà ce qu’était Mocquet au physique.

Les quelques lignes qui vont suivre indiqueront ce qu’il était au moral.