Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nimal pour le réintégrer dans son domicile. Mais ce fut chose impossible. Il lui fallut employer la force, et encore à la force la pauvre bête opposa-t-elle toute la résistance dont une chèvre est susceptible, se roidissant en arrière, s’arc-boutant sur ses jambes, tandis que le sabotier la tirait par les cornes.

Vaincue dans cette lutte, la chèvre finit par rentrer dans son étable.

Mais, malgré le copieux souper que lui avait laissé Thibault, elle continua de pousser des cris lamentables.

Impatienté et intrigué tout ensemble, le sabotier quitta une seconde fois son repas et ouvrit l’étable avec tant de précaution, que la chèvre ne put s’en échapper.

Puis, il se mit à chercher des mains dans tous les coins et recoins ce qui pouvait lui causer tant d’effroi.

Tout à coup ses doigts rencontrèrent la fourrure épaisse et chaude d’un animal étranger.

Thibault n’était pas poltron, il s’en fallait.

Cependant, il se retira précipitamment.

Il rentra chez lui, prit la lumière et revint à l’étable.

La lampe faillit lui tomber des mains quand il reconnut, dans l’animal qui avait tant effrayé sa chèvre, le daim du baron Jean ; celui-là même qu’il avait poursuivi, qu’il avait manqué, qu’il avait désiré avoir au nom du diable, ne pouvant l’avoir au nom de Dieu ; celui sur lequel les chiens avaient fait défaut ; celui, enfin, qui lui avait valu de si jolis horions.

Thibault s’approcha doucement de lui, après s’être assuré que la porte était bien fermée.

Le pauvre animal était, ou tellement fatigué, ou si singulièrement apprivoisé, qu’il ne fit pas un mouvement pour fuir, se contentant de regarder Thibault