Page:Dumas - Le Vicomte de Bragelonne, 1876.djvu/226

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ture, toujours au galop de quatre chevaux furieux, je suis arrivé, arrivé, gagnant quatre heures sur Porthos ; mais, voyez-vous, d’Artagnan ne pèse pas trois cents livres comme Porthos, d’Artagnan n’a pas la goutte et la gravelle comme moi ; ce n’est pas un cavalier, c’est un centaure, d’Artagnan ; voyez-vous, parti pour Belle-Isle quand je partais pour Paris, d’Artagnan, malgré dix heures d’avance que j’ai sur lui, d’Artagnan arrivera deux heures après moi.


— Aramis vint droit au mousquetaire si bien déguisé sous le costume de M. Agnan. — Page 207.

— Mais enfin, les accidents ?

— Il n’y a pas d’accidents pour lui.

— Si les chevaux manquent ?

— Il courra plus vite que les chevaux.

— Quel homme, bon Dieu !

— Oui, c’est un homme que j’aime et que j’admire ; je l’aime, parce qu’il est bon, grand, loyal ; je l’admire, parce qu’il représente pour moi le point culminant de la puissance humaine ; mais, tout en l’aimant, tout en l’admirant, je le crains et je le prévois. Donc, je me résume, Monsieur : dans deux heures, d’Artagnan sera ici ; prenez les devants, courez au Louvre, voyez le roi avant qu’il voie d’Artagnan.

— Que dirai-je au roi ?

— Rien ; donnez-lui Belle-Isle.

— Oh ! monsieur d’Herblay, monsieur d’Herblay ! s’écria Fouquet, que de projets manqués tout à coup !

— Après un projet avorté, il y a toujours un autre projet que l’on peut mener à bien ! Ne désespérons jamais, et allez, Monsieur, allez vite.