Page:Dumas - Le Vicomte de Bragelonne, 1876.djvu/50

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que d’éloges ! Votre Majesté me confond, en vérité ! Énergique, vigoureux, spirituel, brave, le meilleur soldat de l’armée ! mais, sire, Votre Majesté exagère mon peu de mérite, à ce point que si bonne opinion que j’aie de moi, je ne me reconnais plus en vérité. Si j’étais assez vain pour croire à moitié seulement aux paroles de Votre Majesté, je me regarderais comme un homme précieux, indispensable ; je dirais qu’un serviteur, lorsqu’il réunit tant et de si brillantes qualités, est un trésor sans prix. Or, sire, j’ai été toute ma vie, je dois le dire, excepté aujourd’hui, apprécié, à mon avis, fort au-dessous de ce que je valais. Je le répète, Votre Majesté exagère donc.


La troupe de d'Artagnan.

Le roi fronça le sourcil, car il voyait une raillerie sourire amèrement au fond des paroles de l’officier.

— Voyons, Monsieur, dit-il, abordons franchement la question. Est-ce que mon service ne vous plaît pas, dites ? Allons, point de détours, répondez hardiment, franchement. Je le veux.

L’officier, qui roulait depuis quelques instants d’un air assez embarrassé son feutre entre ses mains, releva la tête à ces mots.

— Oh ! sire, dit-il, voilà qui me met un peu plus à l’aise. À une question posée aussi franchement, je répondrai moi-même franchement. Dire vrai est une bonne chose, tant à cause du plaisir qu’on éprouve à se soulager le cœur, qu’à cause de la rareté du fait. Je dirai donc la vérité à mon roi, tout en le suppliant d’excuser la franchise d’un vieux soldat.

Louis regarda son officier avec une vive inquiétude qui se manifesta par l’agitation de son geste.

— Eh bien, donc, parlez, dit-il ; car je suis impatient d’entendre les vérités que vous avez à me dire.

L’officier jeta son chapeau sur une table, et sa figure, déjà si intelligente et si martiale, prit tout à coup un étrange caractère de grandeur et de solennité.

— Sire, dit-il, je quitte le service du roi parce