Page:Dumas - Le Vicomte de Bragelonne, 1876.djvu/690

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que je vous écoute. Voyons, dites, quel est le crime de M. Fouquet ?


Il le conduisit dans la deuxième Bertaudière. — Page 687.

— Oh ! pas bien grave, Mademoiselle, dit le noir personnage ; un simple abus de confiance…

— Dites, dites, Colbert, et quand vous aurez dit, laissez-nous et allez avertir M. d’Artagnan que j’ai des ordres à lui donner.

— M. d’Artagnan ! s’écria La Vallière, et pourquoi faire avertir M. d’Artagnan, sire ? Je vous supplie de me le dire.

— Pardieu ! pour arrêter ce titan orgueilleux qui, fidèle à sa devise, menace d’escalader mon ciel.

— Arrêter M. Fouquet, dites-vous ?

— Ah ! cela vous étonne ?

— Chez lui ?

— Pourquoi pas ? S’il est coupable, il est coupable chez lui comme ailleurs.

— M. Fouquet, qui se ruine en ce moment pour faire honneur à son roi ?

— Je crois, en vérité, que vous défendez ce traître, Mademoiselle !

Colbert se mit à rire tout bas. Le roi se retourna au sifflement de ce rire.

— Sire, dit La Vallière, ce n’est pas M. Fouquet que je défends, c’est vous-même.

— Moi-même !… Vous me défendez ?

— Sire, vous vous déshonorez en donnant un pareil ordre.

— Me déshonorer ! murmura le roi blêmissant de colère. En vérité, Mademoiselle, vous mettez à ce que vous dites une étrange passion.

— Je mets de la passion, non pas à ce que je dis, sire, mais à servir Votre Majesté, répondit la noble jeune fille. J’y mettrais, s’il le fallait, ma vie, et cela avec la même passion, sire.