Page:Dumas - Les Frères Corses, 1881.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
120
LES FRÈRES CORSES

« Ma bonne mère,

« Si je ne vous savais pas à la fois forte comme une Spartiate et soumise comme une chrétienne, j’emploierais tous les moyens possibles pour vous préparer à l’événement affreux qui va vous frapper ; quand vous recevrez cette lettre, vous n’aurez plus qu’un fils.

« Lucien, mon excellent frère, aime ma mère pour nous deux !

« Avant-hier, j’ai été atteint d’une fièvre cérébrale, j’ai fait peu d’attention aux premiers symptômes ; le médecin est arrivé trop tard ! Ma bonne mère, il n’y a plus d’espoir pour moi, à moins d’un miracle, et quel droit ai-je d’espérer que Dieu fera ce miracle pour moi ?

« Je vous écris dans un moment lucide ; si je meurs, cette lettre sera mise à la poste un quart d’heure après ma mort ; car, dans l’égoïsme de mon amour pour vous, je veux que vous sachiez que je suis mort en ne regrettant du monde entier que votre tendresse et celle de mon frère.

« Adieu, ma mère.

« Ne pleurez pas ; c’était l’âme qui vous aimait et non pas le corps, et, partout où elle ira, l’âme continuera de vous aimer.

« Adieu, Lucien.