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LES FRÈRES CORSES

— Dites !

— À neuf heures dix minutes.

— Tenez, Lucien, racontez-moi tout d’un seul trait : mon esprit se perd à vous interroger et à écouter vos réponses fantastiques ; j’aime mieux un récit.


XIX


Lucien s’accouda sur son fauteuil, me regarda fixement et continua :

— Oh ! mon dieu, c’est bien simple. Le jour où mon frère a été tué, j’étais sorti de bon matin à cheval, et j’allais visiter nos bergers du côté de Carboni, lorsqu’au moment où, après avoir regardé l’heure, je mettais ma montre dans mon gousset, je reçus un coup si violent au côté, que je m’évanouis. Quand je rouvris les yeux, j’étais couché à terre entre les bras d’Orlandini, qui me jetait de l’eau au visage. Mon cheval était à quatre pas, le nez étendu vers moi, soufflant et renâclant.

« — Eh bien, me dit Orlandini, que vous est-il donc arrivé ?

« — Mon Dieu, lui dis-je, je n’en sais rien moi-même ; mais n’avez-vous pas entendu un coup de feu ?

« — Non.

« — C’est qu’il me semble que je viens de recevoir une balle ici.