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OTHON L’ARCHER

hommes se parlèrent un instant à voix basse sans que Karl pût rien entendre de ce qu’ils disaient. Cependant il vit facilement, à leurs gestes, qu’il s’agissait d’une communication de la plus haute importance, et il en fut plus convaincu que jamais lorsqu’il vit revenir à lui le landgrave avec un visage plus sombre qu’auparavant.

— Karl, dit Ludwig, mais sans s’asseoir cette fois, tu dois, après une route aussi longue que celle que tu as faite aujourd’hui, avoir plus besoin de repos que de bals et de fêtes. Je vais te faire conduire à ton appartement. Bonne nuit ; nous nous reverrons demain.

Karl vit que son ami désirait être seul ; il se leva sans répondre, lui serra silencieusement la main, l’interrogeant une dernière fois du regard ; mais le landgrave ne lui répondit que par un de ces sourires tristes qui indiquent au cœur que le moment n’est pas encore venu de lui confier le dépôt sacré qu’il réclame. Karl lui indiqua par un dernier serrement de main qu’à toute heure il le trouverait, et se retira dans l’appartement qui lui était destiné et jusqu’où, tout éloigné qu’il était, le bruit de la fête parvenait encore.

Le comte se coucha l’âme remplie d’idées tristes et l’oreille pleine de sons joyeux ; pendant quelque temps, cet étrange contraste écarta le sommeil par sa lutte. Mais enfin la fatigue l’emporta sur l’inquiétude, le corps vainquit l’âme. Peu à peu, les pensées et les ob-