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OTHON L’ARCHER

pas jusqu’au jeune Othon qui n’eût à souffrir de ses brusqueries inconnues jusqu’alors, et cela était d’autant plus sensible à la mère et à l’enfant qu’ils avaient été jusqu’alors, de la part du landgrave, les objets de l’affection la plus vive et la plus profonde. Au reste, à mesure que cette affection diminuait, ajoutait Emma, Godefroy paraissait faire des progrès étranges dans la confiance du landgrave, comme s’il héritait de cette partie de sentiments que celui-ci enlevait à sa femme et à son fils, pour les reporter sur un homme qui lui était presque étranger.

Albert plaignit du fond de son cœur cette haine de soi-même qui fait que l’homme heureux, comme s’il était tourmenté de son bonheur, cherche tous les moyens de le modérer ou de l’éteindre, comme il ferait d’un feu trop violent auquel il craindrait de voir consumer son cœur. Les choses en étaient arrivées à ce point lorsqu’il reçut, comme toute la noblesse des environs, une invitation pour se rendre au château de Godesberg, le landgrave donnant une fête pour l’anniversaire de la naissance d’Othon, qui venait d’entrer dans sa seizième année.

Cette fête, à la fin de laquelle nous avons introduit nos lecteurs dans le château, produisait, comme nous l’avons dit, un contraste singulier avec la tristesse de celui qui la donnait ; c’est que, dès le commencement du bal, Godefroy avait fait remarquer au landgrave,