— Vous l’appelez ?
— Monsieur de Saint-Maline.
— Et la cause de cette distinction, Monsieur, si cette demande n’est pas toutefois une trop grande curiosité de ma part ?
— C’est que je vous connais, voilà tout.
— Moi ? fit Ernauton surpris ; moi, vous me connaissez ?
— Vous et lui, lui et tous ceux qui sont ici.
— C’est étrange.
— Oui, mais c’est nécessaire.
— Pourquoi est-ce nécessaire ?
— Parce qu’un chef doit connaître ses soldats.
— Et que tous ces hommes ?
— Seront mes soldats demain.
— Mais je croyais que M. d’Épernon…
— Chut ! Ne prononcez pas ce nom-là ici, ou plutôt ici ne prononcez aucun nom ; ouvrez les oreilles et fermez la bouche, et puisque j’ai promis de vous faire toutes grâces, prenez d’abord ce conseil comme un à-compte.
— Merci, Monsieur, dit Ernauton.
Loignac essuya sa moustache, et se levant :
— Messieurs, dit-il, puisque le hasard réunit ici quarante-cinq compatriotes, vidons un verre de ce vin d’Espagne à la prospérité de tous les assistants.
Cette proposition souleva des applaudissements frénétiques.
— Ils sont ivres pour la plupart, dit Loignac à Ernauton : ce serait un bon moment pour faire raconter à chacun son histoire, mais le temps nous manque.
Puis haussant la voix :
— Holà ! maître Fournichon, dit-il, faites sortir d’ici tout ce qui est femmes, enfants et laquais.
Lardille se leva en maugréant ; elle n’avait point achevé son dessert.
Militor ne bougea point.
— M’a-t-on entendu là-bas ? dit Loignac avec un coup