Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/156

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— Tu n’es pas le maître chez toi.

— Comment ?

— Tu ne peux rien pour ceux qui te servent.

— Mons Chicot !

— Ne nous fâchons pas, ou je me fâche !

— Oui, tu as raison, dit le roi, tremblant que l’ombre de Chicot ne s’évanouît ; parle, mon ami, parle.

— Eh bien ! donc, j’avais une petite affaire à vider avec M. de Mayenne, tu te le rappelles ?

— Parfaitement.

— Je la vide, bien ; je rosse ce capitaine sans pareil, très-bien ; il me fait chercher pour me pendre, et toi, sur qui je comptais pour me défendre contre ce héros, tu m’abandonnes ; au lieu de l’achever, tu te raccommodes avec lui. Qu’ai-je fait alors ? je me suis déclaré mort et enterré par l’intermédiaire de mon ami Gorenflot ; de sorte que depuis ce temps M. de Mayenne, qui me cherchait, ne me cherche plus.

— Affreux courage que tu as eu là, Chicot ! ne savais-tu pas la douleur que me causerait ta mort, dis ?

— Oui, c’est courageux, mais ce n’est pas affreux du tout. Je n’ai jamais vécu si tranquille que depuis que tout le monde est persuadé que je ne vis plus.

— Chicot ! Chicot ! mon ami, s’écria le roi, tu m’épouvantes, ma tête se perd.

— Ah bah ! c’est d’aujourd’hui que tu t’aperçois de cela, toi ?

— Je ne sais que croire.

— Dame ! il faut pourtant t’arrêter à quelque chose : que crois-tu, voyons ?

— Eh bien ! je crois que tu es mort et que tu reviens.

— Alors, je mens : tu es poli.

— Tu me caches une partie de la vérité, du moins ; mais tout à l’heure, comme ces spectres de l’antiquité, tu vas me dire des choses terribles.