Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/174

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— Que voulez-vous me faire faire, sire ? voyons un peu cela.

— Tu vas te botter.

Joyeuse fit un mouvement de terreur.

— Oh ! non, ne me demandez pas cela, sire, c’est contre toutes mes idées.

— Tu vas monter à cheval.

Joyeuse fit un bond.

— À cheval ! non pas, je ne vais plus qu’en litière ; Votre Majesté n’a donc pas entendu ?

— Voyons, Joyeuse, trêve de raillerie, tu m’entends ? Tu vas te botter et monter à cheval.

— Non, sire, répondit le duc avec le plus grand sérieux, c’est impossible.

— Et pourquoi cela, impossible ? demanda Henri avec colère.

— Parce que… parce que… je suis amiral.

— Eh bien ?

— Et que les amiraux ne montent pas à cheval.

— Ah ! c’est comme cela ! fit Henri.

Joyeuse répondit par un de ces signes de tête comme les enfants en font lorsqu’ils sont assez obstinés pour ne pas obéir, assez timides pour ne pas répondre.

— Eh bien ! soit, monsieur l’amiral de France, vous n’irez pas à cheval : vous avez raison, ce n’est pas l’état d’un marin d’aller à cheval ; mais l’état d’un marin est d’aller en bateau et en galère ; vous vous rendrez donc à l’instant même à Rouen, en bateau ; à Rouen, vous trouverez votre galère amirale, vous la monterez immédiatement et vous ferez appareiller pour Anvers.

— Pour Anvers ! s’écria Joyeuse, aussi désespéré que s’il eût reçu l’ordre de partir pour Canton ou pour Valparaiso.

— Je crois l’avoir dit, fit le roi d’un ton glacial qui établissait sans conteste son droit de chef et sa volonté de souverain ; je crois l’avoir dit, et je ne veux pas le répéter.

Joyeuse, sans témoigner la moindre résistance, agrafa son