Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/210

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s’avançant au milieu de la chambre, et cela si malheureusement, qu’il renversa un escabeau sur le parquet.

Bien que le tapis eût amorti le bruit du tabouret comme il avait amorti celui du coup de talon de frère Jacques, dom Modeste, à ce bruit, fit un bond et s’éveilla.

— Qui va là ? s’écria-t-il de la voix tressaillante d’une sentinelle endormie.

— Seigneur prieur, dit frère Borromée, pardonnez si nous troublons votre pieuse méditation, mais je viens prendre vos ordres.

— Ah ! bonjour, frère Borromée, fit Gorenflot avec un léger signe de tête.

Puis, après un moment de réflexion, pendant lequel il était évident qu’il venait de tendre toutes les cordes de sa mémoire :

— Quels ordres ? demanda-t-il en clignant trois ou quatre fois des yeux.

— Relativement aux armes et aux armures.

— Aux armes ? aux armures ? demanda Gorenflot.

— Sans doute. Votre Seigneurie a commandé d’apporter des armes et des armures.

— À qui cela ?

— À moi.

— À vous ?… J’ai commandé des armes, moi ?

— Sans aucun doute, seigneur prieur, dit Borromée d’une voix égale et ferme.

— Moi ! répéta dom Modeste au comble de l’étonnement, moi ! et quand cela ?

— Il y a huit jours.

— Ah ! s’il y a huit jours… Mais pourquoi faire, des armes ?

— Vous m’avez dit, seigneur, et je vais répéter vos propres paroles, vous m’avez dit : « Frère Borromée, il serait bon de se procurer des armes pour armer nos moines et nos frères ; les exercices gymnastiques développent les