Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/237

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pelait Gorenflot, chargeait en effet un mousquet pesant, long comme lui-même ; puis, le mousquet chargé, il vint se camper fièrement à cent pas du but, et là, ramenant sa jambe droite en arrière, avec une précision toute militaire, il ajusta.

Le coup partit, et la balle alla se loger au milieu du but, au grand applaudissement des moines.

— Tudieu ! c’est bien visé, dit Chicot, et, sur ma parole, voilà un joli garçon.

— Merci, Monsieur, répondit Jacques, dont les joues pâles se colorèrent d’une rougeur de plaisir.

— Tu manies les armes habilement, mon enfant, reprit Chicot.

— Mais, Monsieur, j’étudie, fit Jacques.

Et sur ces mots, laissant son mousquet inutile après la preuve d’adresse qu’il avait donnée, il prit une pique des mains de son voisin, et fit un moulinet que Chicot trouva parfaitement exécuté.

Chicot renouvela ses compliments.

— C’est surtout à l’épée qu’il excelle, dit dom Modeste. Ceux qui s’y connaissent le jugent très-fort ; il est vrai que le drôle a des jarrets de fer, des poignets d’acier, et qu’il gratte le fer depuis le matin jusqu’au soir.

— Ah ! voyons cela, dit Chicot.

— Vous voulez essayer sa force ? dit Borromée.

— Je voudrais en avoir la preuve, répondit Chicot.

— Ah ! continua le trésorier, c’est qu’ici personne, excepté moi peut-être, n’est capable de lutter contre lui ; êtes-vous d’une certaine force, vous ?

— Je ne suis qu’un pauvre bourgeois, dit Chicot en secouant la tête ; autrefois j’ai poussé ma brette comme un autre ; mais aujourd’hui mes jambes tremblent, mon bras vacille et ma tête n’est plus fort présente.

— Mais cependant vous pratiquez toujours ? dit Borromée.