Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/287

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— Eh bien ! dit le duc, ce suprême dévouement est-il déjà évanoui ?

— Non, Monseigneur.

— Je puis donc compter sur vous ?

Poulain fit un effort.

— Vous pouvez y compter, dit-il.

— Et moi seul je sais tout cela ?

— Vous seul, oui, Monseigneur.

— Allez, mon ami, allez ; parfandious ! que M. de Mayenne se tienne bien !

Il prononça ces mots en soulevant la tapisserie pour donner passage à Poulain ; puis, lorsqu’il eut vu celui-ci traverser l’antichambre et disparaître, il repassa vivement chez le roi.

Le roi, fatigué d’avoir joué avec ses chiens, jouait au bilboquet.

D’Épernon prit un air affairé et soucieux, que le roi, préoccupé d’une si importante besogne, ne remarqua même point.

Cependant, comme le duc gardait un silence obstiné, le roi leva la tête et le regarda un instant.

— Eh bien ! dit-il, qu’avons-nous encore, La Valette ? voyons, es-tu mort ?

— Plût au ciel, sire ! répondit d’Épernon, je ne verrais pas ce que je vois.

— Quoi ? mon bilboquet ?

— Sire, dans les grands périls, un sujet peut s’alarmer de la sécurité de son maître.

— Encore des périls ? Le diable noir t’emporte, duc !

Et avec une dextérité remarquable, le roi enfila la boule d’ivoire par le petit bout de son bilboquet.

— Mais vous ignorez donc ce qui se passe ? lui demanda le duc.

— Ma foi ! peut-être, dit le roi.

— Vos plus cruels ennemis vous entourent en ce moment, sire.