Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/301

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— Maintenant, Monsieur, dit-il, pied à terre, si vous le voulez bien.

— Et pourquoi cela. Monsieur ? fit Sainte-Maline avec étonnement.

— Notre tâche est accomplie, et nous avons à causer. L’endroit me paraît excellent pour une conversation du genre de la nôtre.

— À votre aise, Monsieur, dit Sainte-Maline en descendant de cheval comme l’avait déjà fait son compagnon.

Lorsqu’il eut mis pied à terre, Ernauton s’approcha et lui dit :

— Vous savez, Monsieur, que, sans appel de ma part et sans mesure de la vôtre, sans cause aucune, enfin, vous m’avez, durant toute la route, offensé grièvement. Il y a plus : vous avez voulu me faire mettre l’épée à la main dans un moment inopportun, et j’ai refusé. Mais à cette heure, le moment est devenu bon, et je suis votre homme.

Sainte-Maline écouta ces mots d’un visage sombre et avec les sourcils froncés ; mais, chose étrange ! Sainte-Maline n’était plus dans ce courant de colère qui l’avait entraîné au delà de toutes les bornes, Sainte-Maline ne voulait plus se battre ; la réflexion lui avait rendu le bon sens ; il jugeait toute l’infériorité de sa position.

— Monsieur, répondit-il après un instant de silence, vous m’avez, quand je vous insultai, répondu par des services ; je ne saurais donc maintenant vous tenir le langage que je vous tenais tout à l’heure.

Ernauton fronça le sourcil.

— Non, Monsieur, mais vous pensez encore maintenant ce que vous disiez tantôt.

— Qui vous dit cela ?

— Parce que toutes vos paroles étaient dictées par la haine et par l’envie, et que, depuis deux heures que vous les avez prononcées, cette haine et cette envie ne peuvent être éteintes dans votre cœur.