Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/45

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Le roi hocha la tête en signe de doute.

Puis, se retournant une seconde fois vers Joyeuse, et voyant que celui-ci se tenait debout malgré son invitation :

— Voyons, Anne, dit-il, faites ce que j’ai dit ; adossez-vous au mur, ou accoudez-vous sur mon fauteuil.

— Votre Majesté est en vérité trop bonne, dit le jeune duc, et je ne profiterai de la permission que quand je serai véritablement fatigué.

— Et nous n’attendrons pas que vous le soyez, n’est-ce pas, mon frère ? dit tout bas Henri.

— Sois tranquille, répondit Anne des yeux plutôt que de la voix.

— Mon fils, dit Catherine, ne vois-je pas du tumulte là-bas, au coin du quai ?

— Quelle vue perçante ! ma mère ; oui, en effet, je crois que vous avez raison. Oh ! les mauvais yeux que j’ai, moi, qui ne suis pas vieux pourtant !

— Sire, interrompit librement Joyeuse, ce tumulte vient du refoulement du peuple sur la place par la compagnie des archers. C’est le condamné qui arrive, bien certainement.

— Comme c’est flatteur pour des rois, dit Catherine, de voir écarteler un homme qui a dans les veines une goutte de sang royal !

Et en disant ces paroles, son regard pesait sur Louise,

— Oh ! Madame, pardonnez-moi, épargnez-moi, dit la jeune reine avec un désespoir qu’elle essayait en vain de dissimuler ; non, ce monstre n’est point de ma famille, et vous n’avez point voulu dire qu’il en était.

— Certes, non, dit le roi ; et je suis bien certain que ma mère n’a point voulu dire cela.

— Eh ! mais, fit aigrement Catherine, il tient aux Lorrains, et les Lorrains sont vôtres, Madame ; je le pense, du moins. Ce Salcède vous touche donc, et même d’assez près.

— C’est-à-dire interrompit Joyeuse avec une honnête indignation qui était le trait distinctif de son caractère, et qui