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VI

LES DEUX JOYEUSE.


MM. de Joyeuse, comme nous l’avons vu, s’étaient dérobés pendant toute cette scène par les derrières de l’hôtel de ville, et laissant aux équipages du roi leurs laquais qui les attendaient avec des chevaux, ils marchaient côte à côte dans les rues de ce quartier populeux, qui, ce jour-là, étaient désertes, tant la place de Grève avait été vorace de spectateurs.

Une fois dehors ils avaient marché se tenant par le bras, mais sans s’adresser la parole.

Henri, si joyeux naguère, était préoccupé et presque sombre.

Anne semblait inquiet et comme embarrassé de ce silence de son frère.

Ce fut lui qui rompit le premier le silence.

— Eh bien ! Henri, demanda-t-il, où me conduis-tu ?

— Je ne vous conduis pas, mon frère, je marche devant moi, répondit Henri comme s’il se réveillait en sursaut.

— Désirez-vous aller quelque part, mon frère ?

— Et toi ?

Henri sourit tristement.

— Oh ! moi, dit-il, peu m’importe où je vais.

— Tu vas cependant quelque part chaque soir, dit Anne, car chaque soir tu sors à la même heure pour ne rentrer qu’assez avant dans la nuit, et parfois pour ne pas rentrer du tout.

— Me questionnez-vous, mon frère ? demanda Henri avec