Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Eh bien ! où demeure-t-elle ?

— Du côté de la Bastille, dans la rue de Lesdiguières ; à sa porte, son compagnon se retourna et me vit.

— Tu lui fis alors quelque signe pour lui donner à entendre que tu désirais lui parler ?

— Je n’osai pas ; c’est ridicule ce que je te vais dire, mais le serviteur m’imposait presque autant que la maîtresse.

— N’importe, tu entras dans la maison ?

— Non, mon frère.

— En vérité, Henri, j’ai bien envie de te renier pour un Joyeuse ; mais au moins tu revins le lendemain ?

— Oui, mais inutilement, inutilement à la Gypecienne, inutilement à la rue de Lesdiguières.

— Elle avait disparu ?

— Comme une ombre qui se serait envolée.

— Mais enfin tu t’informas ?

— La rue a peu d’habitants, nul ne put me satisfaire ; je guettais l’homme pour le questionner, il ne reparut pas plus que la femme ; cependant une lumière que je voyais briller le soir à travers les jalousies me consolait en m’indiquant qu’elle était toujours là. J’usai de cent moyens pour pénétrer dans la maison : lettres, messages, fleurs, présents, tout échoua. Un soir la lumière disparut à son tour et ne reparut plus ; la dame, fatiguée de mes poursuites sans doute, avait quitté la rue de Lesdiguières ; nul ne savait sa nouvelle demeure.

— Cependant tu l’as retrouvée, cette belle sauvage ?

— Le hasard l’a permis ; je suis injuste, mon frère, c’est la Providence, qui ne veut pas que l’on traîne la vie. Écoutez ; en vérité, c’est étrange. Je passais dans la rue de Bussy, il y a quinze jours, à minuit ; vous savez, mon frère, que les ordonnances pour le feu sont sévèrement exécutées ; eh bien ! non-seulement je vis du feu aux vitres d’une maison, mais encore un incendie véritable qui éclatait au deuxième étage. Je frappai vigoureusement à la porte, un homme pa-