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— Mais votre chapeau ?

— Attendez donc, que diable ! mon chapeau, il était tombé.

— Comme vous ?

— Moi, je n’étais pas tombé, je m’étais laissé glisser à terre ; un Pincorney ne tombe pas de cheval : les Pincorney sont écuyers au maillot.

— C’est connu, dit Sainte-Maline ; mais votre chapeau ?

— Ah ! voilà ; mon chapeau ?

— Oui.

— Mon chapeau était donc tombé ; je me mis à sa recherche, car c’était ma seule ressource, étant sorti sans argent.

— Et comment votre chapeau pouvait-il vous être une ressource ? insista Sainte-Maline, décidé à pousser Pincorney à bout.

— Sandioux ! et une grande ! Il faut vous dire que la plume de ce chapeau était retenue par une agrafe en diamant que S. M. l’empereur Charles V donna à mon grand-père, lorsqu’en se rendant d’Espagne en Flandre, il s’arrêta dans notre château.

— Ah ! ah ! Et vous avez vendu l’agrafe et le chapeau avec ? Alors, mon cher ami, vous devez être le plus riche de nous tous, et vous auriez bien dû, avec l’argent de votre agrafe, acheter un second gant ; vous avez des mains dépareillées : l’une est blanche comme une main de femme, l’autre est noire comme une main de nègre.

— Attendez donc : au moment où je me retournais pour chercher mon chapeau, je vois un corbeau énorme qui fond dessus.

— Sur votre chapeau ?

— Ou plutôt sur mon diamant ; vous savez que cet animal dérobe tout ce qui brille : il fond donc sur mon diamant et me le dérobe.

— Votre diamant ?

— Oui, Monsieur. Je le suis des yeux d’abord ; puis en-