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Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/286

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encore, c’est pour l’accomplissement de quelque action terrible, c’est pour jouer un rôle actif dans l’œuvre de la Providence. Ne séparez donc jamais ma pensée de la vôtre, Madame, puisque ces deux pensées sinistres ont si longtemps habité sous le même toit : où vous irez, j’irai ; ce que vous ferez, je vous y aiderai ; sinon, Madame, et si, malgré mes prières, vous persistez dans cette résolution de chasser…

— Oh ! murmura la jeune femme, vous chasser ! quel mot avez-vous dit là, Remy ?

— Si vous persistez dans cette résolution, continua le jeune homme, comme si elle n’avait point parlé, je sais ce que j’ai à faire, moi, et toutes nos études devenues inutiles aboutiront pour moi à deux coups de poignard : l’un, que je donnerai dans le cœur de celui que vous connaissez, l’autre dans le mien.

— Remy, Remy ! s’écria Diane en faisant un pas vers le jeune homme et en étendant impérativement sa main au-dessus de sa tête, Remy, ne dites pas cela. La vie de celui que vous menacez ne vous appartient pas, elle est à moi : je l’ai payée assez cher pour la lui prendre moi-même quand le moment où il doit la perdre sera venu. Vous savez ce qui est arrivé, Remy, et ce n’est point un rêve, je vous le jure, le jour où j’allai m’agenouiller devant le corps déjà froid de celui-ci…

Et elle montra le portrait.

— Ce jour, dis-je, j’approchai mes lèvres des lèvres de cette blessure que vous voyez ouverte, et ces lèvres tremblèrent et me dirent :

— Venge-moi, Diane, venge-moi !

— Madame !

— Remy, je te le répète, ce n’était pas une illusion, ce n’était pas un bourdonnement de mon délire : la blessure a parlé, elle a parlé, te dis-je, et je l’entends encore murmurer : « Venge-moi, Diane, venge-moi. »

Le serviteur baissa la tête.