Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/40

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— Eh bien ? dit ce dernier.

— Eh bien ! monsieur l’officier, j’ai obéi en tout point.

— Votre auberge est déserte ?

— Absolument.

— La personne que nous vous avons désignée n’a pas été prévenue ni réveillée ?

— Ni prévenue, ni réveillée.

— Monsieur l’hôtelier, vous savez au nom de qui nous agissons ; vous savez quelle cause nous servons, car vous êtes vous-même défenseur de cette cause ?

— Oui, certes, monsieur l’officier ; aussi voyez-vous que j’ai sacrifié, pour obéir à mon serment, l’argent que mes hôtes eussent dépensé chez moi ; mais il est dit dans ce serment : « Je sacrifierai mes biens à la défense de la sainte religion catholique. »

— Et ma vie !… Vous oubliez ce mot, dit l’officier d’une voix altière.

— Mon Dieu ! s’écria l’hôte en joignant les mains, est-ce qu’on me demande ma vie ? j’ai femme et enfants !

— On ne vous la demandera que si vous n’obéissez point aveuglément à ce qui vous sera commandé.

— Oh ! j’obéirai, soyez tranquille.

— En ce cas, allez vous coucher ; fermez les portes, et, quoi que vous entendiez ou voyiez, ne sortez pas, dût votre maison brûler et s’écrouler sur votre tête. Vous voyez que votre rôle n’est pas difficile.

— Hélas ! hélas ! je suis ruiné, murmura l’hôte.

— On m’a chargé de vous indemniser, dit l’officier ; prenez ces trente écus que voici.

— Ma maison estimée trente écus ! fit piteusement l’aubergiste.

— Eh ! vive Dieu ! l’on ne vous cassera pas seulement une vitre, pleureur que vous êtes… Fi ! les vilains champions de la sainte ligue que nous avons là !

L’hôte partit, et s’enferma comme un parlementaire pré-