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L’officier éclata de rire et ordonna aux soldats de desceller les gonds.

Chicot se mit à hurler pour appeler les marchands.

— Imbécile ! dit l’officier, crois-tu que nous t’avons laissé du secours ? Détrompe-toi, tu es bien seul, et par conséquent bien perdu ! Allons, fais contre mauvaise fortune bon cœur… Marchez, vous autres !

Et Chicot entendit frapper trois crosses de mousquet contre la porte avec la force et la régularité de trois béliers.

— Il y a là, dit-il, trois mousquets et un officier ; en bas, deux épées seulement : quinze pieds à sauter, c’est une misère. J’aime mieux les épées que les mousquets.

Et nouant son sac à sa ceinture, il monta sans hésiter sur le rebord de la fenêtre, tenant son épée à la main.

Les deux hommes demeurés en bas tenaient leur lame en l’air.

Mais Chicot avait deviné juste. Jamais un homme, fût-il Goliath, n’attendra la chute d’un homme, fût-il un pygmée, lorsque cet homme peut le tuer en se tuant.

Les soldats changèrent de tactique et se reculèrent, décidés à frapper Chicot lorsqu’il serait tombé.

C’est là que le Gascon les attendait. Il sauta, en homme habile, sur les pointes et resta accroupi. Au même instant, un des hommes lui détacha un coup de pointe qui eût percé une muraille.

Mais Chicot ne se donna même pas la peine de parer. Il reçut le coup en plein thorax ; mais, grâce à la cotte de mailles de Gorenflot, la lame de son ennemi se brisa comme verre.

— Il est cuirassé ! dit l’un des soldats.

— Pardieu ! répliqua Chicot, qui, d’un revers, lui avait déjà fendu la tête.

L’autre se mit à crier, ne songeant plus qu’à parer, car Chicot attaquait.