Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/72

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uns de ces magnifiques cheveux dont la profusion eût dû rendre Madeleine plus indulgente pour une faute de cette espèce.

Le fond du tableau représentait des chiens battus pour avoir laissé passer impunément de pauvres mendiants cherchant une aumône, et des coqs égorgés pour avoir chanté trop clair et trop matin.

En arrivant à la Croix-Faubin, le roi avait découpé toutes les figures de cette image, et se disposait à passer à celle intitulée :

« Madeleine succombant au péché de la gourmandise. »

Celle-là représentait la belle pécheresse couchée sur un de ces lits de pourpre et d’or où les anciens prenaient leurs repas : tout ce que les gastronomes romains connaissaient de plus recherché en viandes, en poissons et en fruits, depuis les loirs au miel et les surmulets au falerne, jusqu’aux langoustes de Stromboli et aux grenades de Sicile, ornait cette table. À terre, des chiens se disputaient un faisan, tandis que l’air était obscurci d’oiseaux aux mille couleurs qui emportaient de cette table bénie des figues, des fraises et des cerises, qu’ils laissaient tomber parfois sur une population de souris qui, le nez en l’air, attendaient cette manne qui leur descendait du ciel.

Madeleine tenait à la main, tout rempli d’une liqueur blonde comme la topaze, un de ces verres à forme singulière comme Pétrone en a décrit dans le festin de Trimalcion

Tout préoccupé de cette œuvre importante, le roi s’était contenté de lever les yeux en passant devant le prieuré des Jacobins, dont la cloche sonnait vêpres à toute volée.

Aussi, toutes les portes et toutes les fenêtres du susdit prieuré étaient-elles fermées, si bien qu’on eût pu le croire inhabité, si l’on n’eût entendu retentir dans l’intérieur du monument les vibrations de la cloche.