Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/108

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à du Bouchage force recommandations de ne pas quitter son poste, et revint. Il retrouva Aurilly ; celui-ci n’avait point quitté la salle du repas, et, couché sur un banc, dormait dans le manteau d’un officier.

Le duc lui frappa sur l’épaule et le réveilla.

Aurilly se frotta les yeux et regarda le prince.

— Tu as entendu ? lui demanda celui-ci.

— Oui, Monseigneur, répondit Aurilly.

— Sais-tu seulement de quoi je veux parler ?

— Pardieu ! de la dame inconnue, de la parente de M. le comte du Bouchage.

— Bien ; je vois que le faro de Bruxelles et la bière de Louvain ne t’ont point encore trop épaissi le cerveau.

— Allons donc, Monseigneur, parlez ou faites seulement un signe, et Votre Altesse verra que je suis plus ingénieux que jamais.

— Alors, voyons, appelle toute ton imagination à ton aide et devine.

— Eh bien, Monseigneur, je devine que Votre Altesse est curieuse.

— Ah ! parbleu ! c’est une affaire de tempérament cela ; il s’agit seulement de me dire ce qui pique ma curiosité à cette heure.

— Vous voulez savoir quelle est la brave créature qui suit ces deux MM. de Joyeuse à travers le feu et à travers l’eau ?

Per mille pericula Martis ! comme dirait ma sœur Margot, si elle était là, tu as mis le doigt sur la chose, Aurilly. À propos, lui as-tu écrit, Aurilly ?

— À qui, Monseigneur ?

— À ma sœur Margot.

— Avais-je donc à écrire à Sa Majesté ?

— Sans doute.

— Sur quoi ?

— Mais sur ce que nous sommes battus, pardieu ! ruinés, et sur ce qu’elle doit se bien tenir.