Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/115

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— De ce côté, dit Aurilly, et il étendit la main dans la direction d’une espèce de ruelle sombre.

Le prince écouta.

— Je n’entends plus rien, dit-il.

— La personne se sera arrêtée ; c’est quelque espion qui nous guette.

— Enlève l’échelle, dit le prince.

Aurilly obéit ; le prince, pendant ce temps, s’assit sur le banc de pierre qui bordait de chaque côté la porte de la maison.

Le bruit ne s’était point renouvelé, et personne ne paraissait à l’extrémité de la ruelle.

Aurilly revint.

— Eh bien ! Monseigneur, demanda-t-il, est-elle belle ?

— Fort belle, répondit le prince d’un air sombre.

— Qui vous fait si triste alors. Monseigneur ? Vous aurait-elle vu ?

— Elle dort.

— De quoi vous préoccupez-vous, en ce cas ?

Le prince ne répondit pas.

— Brune ?… blonde ?… interrogea Aurilly.

— C’est bizarre, Aurilly, murmura le prince, j’ai vu cette femme-là quelque part.

— Vous l’avez reconnue alors ?

— Non, car je ne puis mettre aucun nom sur son visage ; seulement, sa vue m’a frappé d’un coup violent au cœur.

Aurilly regarda le prince tout étonné, puis, avec un sourire dont il ne se donna pas la peine de dissimuler l’ironie :

— Voyez-vous cela ! dit-il.

— Eh ! Monsieur, ne riez pas, je vous prie, répliqua sèchement François ; ne voyez-vous pas que je souffre ?

— Oh ! Monseigneur, est-il possible ! s’écria Aurilly.

— Oui, en vérité, c’est comme je te le dis, je ne sais ce que j’éprouve ; mais, ajouta-t-il d’un air sombre, je crois que j’ai eu tort de regarder.