Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/126

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comme lui ; pour vaincre, Remy, il faut au moins combattre à armes égales.

— Mais il vous verra.

— Et mon masque ! D’ailleurs je soupçonne qu’il me connaît, Remy.

— Alors, s’il vous connaît, il vous tend un piège.

— Le moyen de s’en garantir est d’avoir l’air d’y tomber.

— Cependant…

— Voyons, que crains-tu ? connais-tu quelque chose de pire que la mort ?

— Non.

— Eh bien ! n’es-tu donc plus décidé à mourir pour l’accomplissement de notre vœu ?

— Si fait ; mais non pas à mourir sans vengeance.

— Remy, Remy ! dit Diane avec un regard brillant d’une exaltation sauvage, nous nous vengerons, sois tranquille, toi du valet, moi du maître.

— Eh bien, soit ! Madame, c’est chose dite.

— Va, mon ami, va.

Et Remy descendit, mais hésitant encore. Le brave jeune homme avait, à la vue d’Aurilly, ressenti malgré lui ce frissonnement nerveux plein de sombre terreur que l’on ressent à la vue des reptiles ; il voulait tuer, parce qu’il avait eu peur.

Mais cependant, au fur et à mesure qu’il descendait, la résolution rentrait dans cette âme si fortement trempée, et en rouvrant la porte il était résolu, malgré l’avis de Diane, à interroger Aurilly, à le confondre, et, s’il trouvait en lui les mauvaises intentions qu’il lui soupçonnait, à le poignarder sur la place.

C’était ainsi que Remy entendait la diplomatie.

Aurilly l’attendait avec impatience ; il avait ouvert la fenêtre afin de garder d’un seul coup d’œil toutes les issues.

Remy vint à lui, armé d’une résolution inébranlable ; aussi ses paroles furent-elles douces et calmes.