Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/179

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— Oh ! cher monsieur Chicot, dit Bonhomet, serait-ce vous, ou n’est-ce que votre ombre ?

— Que ce soit moi ou mon ombre, dit Chicot, du moment où vous me reconnaissez, mon maître, j’espère que vous m’obéirez de point en point.

— Oh ! certainement, cher seigneur, ordonnez.

— Quelque bruit que vous entendiez dans ce cabinet, maître Bonhomet, et quelque chose qui s’y passe, j’espère que vous attendrez que je vous appelle pour y venir.

— Et cela me sera d’autant plus facile, cher monsieur Chicot, que la recommandation que vous me faites est exactement la même que vient de me faire votre compagnon.

— Oui, mais ce n’est pas lui qui appellera, entendez-vous bien, seigneur Bonhomet ? ce sera moi ; ou, s’il appelle, vous entendez, ce sera exactement comme s’il n’appelait pas.

— C’est chose convenue, monsieur Chicot.

— Bien ; et maintenant, éloignez tous vos autres clients sous un prétexte quelconque, et que dans dix minutes nous soyons aussi libres et aussi isolés chez vous, que si nous étions venus pour y pratiquer le jeûne le jour du vendredi saint.

— Dans dix minutes, seigneur Chicot, il n’y aura pas un chat dans tout l’hôtel, à l’exception de votre humble serviteur.

— Allez, Bonhomet, allez, vous avez conservé toute mon estime, dit majestueusement Chicot.

— Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! dit Bonhomet en se retirant, que va-t-il donc se passer dans ma pauvre maison ?

Et comme il s’en allait à reculons, il rencontra Borromée qui remontait de la cave avec ses bouteilles.

— Tu as entendu ? lui dit celui-ci ; dans dix minutes, pas une âme dans l’établissement.

Bonhomet fit de sa tête, si dédaigneuse à l’ordinaire, un