Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/187

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puis ce temps-là, je ne vous demande pas ce que vous avez vu depuis notre rencontre au Louvre.

— Au contraire, demandez, demandez, car, sur ma parole, c’est le plus curieux.

— Dites, alors.

— Dites, dites ! fit Chicot ; ventre de biche ! c’est bien facile à dire : Dites !

— Faites un effort.

— Encore un verre de vin pour me délier la langue… tout plein, bon. Eh bien, j’ai vu, camarade, qu’en tirant la lettre de Son Altesse le duc de Guise de ta poche, tu en as laissé tomber une autre.

— Une autre ! s’écria Borromée en bondissant.

— Oui, dit Chicot, qui est là.

Et après avoir fait deux ou trois écarts d’une main avinée, il posa le bout de son doigt sur le pourpoint de buffle de Borromée, à l’endroit même où était la lettre.

Borromée tressaillit comme si le doigt de Chicot eût été un fer rouge, et que ce fer rouge eût touché sa poitrine au lieu de toucher son pourpoint.

— Oh ! oh ! dit-il, il ne manquerait plus qu’une chose.

— À quoi ?

— À tout ce que vous avez vu.

— Laquelle ?

— C’est que vous sussiez à qui cette lettre est adressée.

— Ah ! belle merveille ! dit Chicot en laissant tomber ses deux bras sur la table ; elle est adressée à madame la duchesse de Montpensier.

— Sang du Christ ! s’écria Borromée, et vous n’avez rien dit de cela au roi, j’espère ?

— Pas un mot, mais je le lui dirai.

— Et quand cela ?

— Quand j’aurai fait un somme, dit Chicot.

Et il laissa tomber sa tête sur ses bras, comme il avait laissé tomber ses bras sur la table.