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XIX

LE MARI ET L’AMANT.


Ce ne fut pas sans une puissante émotion que Chicot revit la rue des Augustins si calme et si déserte, l’angle formé par le pâté de maisons qui précédaient la sienne, enfin sa chère maison elle-même avec son toit triangulaire, son balcon vermoulu et ses gouttières ornées de gargouilles.

Il avait eu tellement peur de ne trouver qu’un vide à la place de cette maison ; il avait si fort redouté de voir la rue bronzée par la fumée d’un incendie, que rue et maison lui parurent des prodiges de netteté, de grâce et de splendeur.

Chicot avait caché dans le creux d’une pierre servant de base à une des colonnes de son balcon la clef de sa maison chérie. En ce temps-là, une clef quelconque de coffre ou de meuble égalait en pesanteur et en volume les plus grosses clefs de nos maisons d’aujourd’hui ; les clefs des maisons étaient donc, d’après les proportions naturelles, égales à des clefs de villes modernes.

Aussi Chicot avait-il calculé la difficulté qu’aurait sa poche à contenir la bienheureuse clef, et avait-il pris le parti de la cacher où nous avons dit.

Chicot éprouvait donc, il faut l’avouer, un léger frisson en plongeant les doigts dans la pierre ; ce frisson fut suivi d’une joie sans pareille lorsqu’il sentit le froid du fer.