Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/24

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leur route, allaient à la dérive tout en flammes eux-mêmes, et entraînant après eux quelques fragments du brûlot rongeur qui les avait étreints de ses bras de flammes.

Joueuse comprit qu’il n’y avait plus de lutte possible ; il donna l’ordre de mettre toutes les barques à la mer, et de prendre terre sur la rive gauche.

L’ordre fut transmis aux autres bâtiments à l’aide des porte-voix ; ceux qui ne l’entendirent pas eurent instinctivement la même idée.

Tout l’équipage fut embarqué jusqu’au dernier matelot, avant que Joyeuse quittât le pont de sa galère.

Son sang-froid semblait avoir rendu le sang-froid à tout le monde : chacun de ses marins avait à la main sa hache ou son sabre d’abordage.

Avant qu’il eût atteint les rives du fleuve, la galère amirale sautait, éclairant d’un côté la silhouette de la ville, et de l’autre l’immense horizon du fleuve qui allait, en s’élargissant toujours, se perdre dans la mer.

Pendant ce temps, l’artillerie des remparts avait éteint son feu : non pas que le combat eût diminué de rage, mais au contraire parce que Flamands et Français en étant venus aux mains, on ne pouvait plus tirer sur les uns sans tirer sur les autres.

La cavalerie calviniste avait chargé à son tour, faisant des prodiges : devant le fer de ses cavaliers, elle ouvre, sous les pieds de ses chevaux, elle broie ; mais les Flamands blessés éventrent les chevaux avec leurs larges coutelas.

Malgré cette charge brillante de la cavalerie, un peu de désordre se met dans les colonnes françaises, et elle ne font que se maintenir au lieu d’avancer, tandis que des portes de la ville sortent incessamment des bataillons frais qui se ruent sur l’armée du duc d’Anjou.

Tout à coup une grande rumeur se fait entendre presque sous les murailles de la ville. Les cris : Anjou ! Anjou ! France ! France ! retentissent sur les flancs des Anversois,