Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/260

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donc cette paralysie si complète et ce travail si avancé de la décomposition ? Il faut que je n’aie pas tout vu.

En disant ces mots, Catherine porta ses yeux autour d’elle, et vit suspendu à son bâton de bois de rose, par sa chaîne d’argent, le papegai rouge et bleu qu’affectionnait François.

L’oiseau était mort, roide, et les ailes hérissées.

Catherine ramena son visage anxieux sur le flambeau dont elle s’était déjà occupée une fois, pour s’assurer, à sa complète combustion, que le prince était rentré de bonne heure.

— La fumée ! se dit Catherine, la fumée ! La mèche du flambeau était empoisonnée ; mon fils est mort !

Aussitôt elle appela. La chambre se remplit de serviteurs et d’officiers.

— Miron ! Miron ! disaient les uns.

— Un prêtre ! disaient les autres.

Mais elle, pendant ce temps, approchait des lèvres de François un des flacons qu’elle portait toujours dans son aumônière, et interrogea les traits de son fils pour juger l’effet du contre-poison.

Le duc ouvrit encore les yeux et la bouche ; mais dans ses yeux ne brillait plus un regard, à ce gosier ne montait plus la voix.

Catherine, sombre et muette, s’éloigna de la chambre en faisant signe aux deux serviteurs de la suivre avant qu’ils eussent encore communiqué avec personne.

Alors elle les conduisit dans un autre pavillon, où elle s’assit, les tenant l’un et l’autre sous son regard.

— M. le duc d’Anjou, dit-elle, a été empoisonné dans son souper ; c’est vous qui avez servi ce souper ?

À ces paroles on vit la pâleur de la mort envahir le visage des deux hommes.

— Qu’on nous donne la torture, dirent-ils ; qu’on nous tue, mais qu’on ne nous accuse pas.

— Vous êtes des niais ; croyez-vous que, si je vous soup-