Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 3.djvu/264

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— Je pars, oui, mon frère, et rien ne me retient plus ici, je présume ?

— Comment, rien ?

— Sans doute ; ces fêtes auxquelles vous désiriez que j’assistasse n’ayant pas lieu, me voilà dégagé de ma promesse.

— Vous vous trompez, Henri, répondit le grand amiral ; je ne vous permets pas plus de partir aujourd’hui que je ne vous l’eusse permis hier.

— Soit, mon frère ; mais alors, pour la première fois de ma vie, j’aurai la douleur de désobéir à vos ordres et de vous manquer de respect ; car, à partir de ce moment, je vous le déclare, Anne, rien ne me retiendra plus pour entrer en religion.

— Mais cette dispense venant de Rome ?

— Je l’attendrai dans un couvent.

— En vérité, vous êtes décidément fou ! s’écria Joyeuse, en se levant avec la stupéfaction peinte sur son visage.

— Au contraire, mon cher et honoré frère, je suis le plus sage de tous, car moi seul sais bien ce que je fais.

— Henri, vous nous aviez promis un mois.

— Impossible, mon frère !

— Encore huit jours,

— Pas une heure.

— Mais tu souffres bien, pauvre enfant !

— Au contraire, je ne souffre plus, voilà pourquoi je vois que le mal est sans remède.

— Mais enfin, mon ami, cette femme n’est point de bronze : on peut l’attendrir, je la fléchirai.

— Vous ne ferez pas l’impossible, Anne ; d’ailleurs, se laissât-elle fléchir maintenant, c’est moi qui ne consentirais plus à l’aimer.

— Allons ! en voilà bien d’une autre,

— C’est ainsi, mon frère.