Page:Dumas - Les Trois Mousquetaires - 1849.pdf/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je ne les avais pas trouvés, ils ne sont pas venus.

— Mais ils peuvent venir d’un moment à l’autre, car tu leur as fait dire que je les attendais ?

— Oui, monsieur.

— Eh bien, ne bouge pas d’ici ; s’ils viennent, préviens-les de ce qui m’est arrivé, qu’ils m’attendent au cabaret de la Pomme-du-Pin ; ici, il y aurait danger, la maison peut être espionnée. Je cours chez M. de Tréville pour lui annoncer tout cela, et je les y rejoins.

— C’est bien, monsieur, dit Planchet.

— Mais tu resteras, tu n’auras pas peur ? dit d’Artagnan en revenant sur ses pas pour recommander le courage à son laquais.

— Soyez tranquille, monsieur, dit Planchet, vous ne me connaissez pas encore ; je suis brave quand je m’y mets, allez ; c’est le tout de m’y mettre : d’ailleurs, je suis picard.

— Alors, c’est convenu, dit d’Artagnan : tu te fais tuer plutôt que de quitter ton poste.

— Oui, monsieur, et il n’y a rien que je ne fasse pour prouver à monsieur que je lui suis attaché.

— Bon, dit en lui-même d’Artagnan ; il paraît que la méthode que j’ai employée à l’égard de ce garçon est décidément la bonne : j’en userai dans l’occasion.

Et de toute la vitesse de ses jambes, déjà quelque peu fatiguées cependant par les courses de la journée, d’Artagnan se dirigea vers la rue du Colombier.

M. de Tréville n’était point à son hôtel ; sa compagnie était de garde au Louvre ; il était au Louvre avec sa compagnie.

Il fallait arriver jusqu’à M. de Tréville ; il était important qu’il fût prévenu de ce qui se passait. D’Artagnan résolut d’essayer d’entrer au Louvre. Son costume de garde dans la compagnie de M. des Essarts lui devait être un passeport.

Il descendit donc la rue des Petits-Augustins, et remonta le quai pour prendre le pont Neuf. Il avait eu un instant l’idée de passer le bac ; mais en arrivant au bord de l’eau, il avait machinalement introduit sa main dans sa poche et s’était aperçu qu’il n’avait pas de quoi payer le passeur.

Comme il arrivait à la hauteur de la rue Dauphine, il vit déboucher de cette rue un groupe composé de deux personnes et dont l’allure le frappa.

Les deux personnes qui composaient le groupe étaient : l’une, un homme ; l’autre, une femme.

La femme avait la tournure de Mme  Bonacieux, et l’homme ressemblait à s’y méprendre à Aramis.

En outre, la femme avait cette mante noire que d’Artagnan voyait encore se dessiner sur le volet de la rue Vaugirard et sur la porte de la rue de La Harpe.

De plus, l’homme portait l’uniforme des mousquetaires.

Le capuchon de la femme était rabattu ; l’homme tenait son mouchoir sur son visage ; tous deux, cette double précaution l’indiquait, tous deux avaient donc intérêt à n’être point reconnus.

Ils prirent le pont ; c’était le chemin de d’Artagnan, puisque d’Artagnan se rendait au Louvre ; d’Artagnan les suivit.