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et sur son refus poussa des cris si pitoyables que l’exempt annonça que, s’il continuait à l’assourdir ainsi, il lui mettrait un bâillon. Cette menace rassura quelque peu Bonacieux ; si on eût dû l’exécuter en Grève, ce n’était pas la peine de le bâillonner, puisqu’on était presque arrivé au lieu de l’exécution. En effet, la voiture traversa la place fatale sans s’arrêter. Il ne restait plus à craindre que la Croix-du-Trahoir : la voiture en prit justement le chemin.

Cette fois il n’y avait plus de doute, c’était à la Croix-du-Trahoir qu’on exécutait les criminels subalternes ; Bonacieux s’était flatté en se croyant digne de Saint-Paul ou de la place de Grève. C’était à la Croix-du-Trahoir qu’allait finir son voyage et sa destinée ! Il ne pouvait voir encore cette malheureuse croix, mais il la sentait en quelque sorte venir au-devant de lui. Lorsqu’il n’en fut plus qu’à une vingtaine de pas, il entendit une rumeur et la voiture s’arrêta. C’était plus que n’en pouvait supporter le pauvre Bonacieux, déjà écrasé par les émotions successives qu’il avait éprouvées ; il poussa un faible gémissement qu’on eût pu prendre pour le dernier soupir d’un moribond, et il s’évanouit.