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— Il ne partira pas aujourd’hui, dit d’Artagnan, mais soyez tranquille, je paierai le passage pour nous deux.

— En ce cas, partons, dit le patron.

— Partons, répéta d’Artagnan.

Et il sauta avec Planchet dans le canot ; cinq minutes après, ils étaient à bord.

À une demi-lieue en mer, d’Artagnan vit briller une lumière et entendit une détonation.

C’était le coup de canon qui annonçait la fermeture du port.

Il était temps pour d’Artagnan de s’occuper de sa blessure ; heureusement, comme l’avait pensé d’Artagnan, elle n’était pas des plus dangereuses : la pointe de l’épée avait rencontré une côte et avait glissé le long de l’os ; de plus, la chemise s’était collée aussitôt à la plaie, et à peine avait-elle répandu quelques gouttes de sang.

D’Artagnan était brisé de fatigue : on lui étendit un matelas sur le pont, il se jeta dessus et s’endormit.

Le lendemain, au point du jour, il se trouva à trois ou quatre lieues seulement des côtes d’Angleterre ; la brise avait été faible toute la nuit, et l’on avait peu marché.

À deux heures, le bâtiment jetait l’ancre dans le port de Douvres.

À deux heures et demie, d’Artagnan mettait le pied sur la terre d’Angleterre, en s’écriant :

— Enfin m’y voilà !

Mais ce n’était pas tout. Il fallait gagner Londres. En Angleterre, la poste était assez bien servie. D’Artagnan et Planchet prirent chacun un bidet ; un postillon courut devant eux ; en quatre heures ils arrivèrent aux portes de la capitale.

D’Artagnan ne connaissait pas Londres ; d’Artagnan ne savait pas un mot d’anglais ; mais il écrivit le nom de Buckingham sur un papier, et chacun lui indiqua l’hôtel du duc.

Le duc était à la chasse à Windsor avec le roi.

D’Artagnan demanda le valet de chambre de confiance du duc, qui, l’ayant accompagné dans tous ses voyages, parlait parfaitement français ; il lui dit qu’il arrivait de Paris pour affaire de vie et de mort et qu’il fallait qu’il parlât à son maître à l’instant même.

La confiance avec laquelle parlait d’Artagnan convainquit Patrice ; c’était le nom de ce ministre du ministre. Il fit seller deux chevaux et se chargea de conduire le jeune garde. Quant à Planchet, on l’avait descendu de sa monture, raide comme un jonc : le pauvre garçon était au bout de ses forces ; d’Artagnan semblait de fer.

On arriva au château ; là on se renseigna : le roi et Buckingham chassaient à l’oiseau dans des marais situés à deux ou trois lieues de là.

En vingt minutes on fut au lieu indiqué. Bientôt Patrice entendit la voix de son maître qui appelait son faucon.

— Qui faut-il que j’annonce à milord-duc ? demanda Patrice.

— Le jeune homme qui un soir lui a cherché une querelle sur le pont Neuf, en face de la Samaritaine.