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sans avoir, à cette époque, la réputation qu’il a aujourd’hui, ne la méritait pas moins, pauvres sots ! comme si la religion catholique n’était pas la plus avantageuse et la plus agréable des religions ! C’est égal, reprit-il, après avoir fait claquer sa langue contre son palais, ce sont de braves gens. Mais que diable faites-vous donc, Aramis ? continua Athos, vous serrez cette lettre dans votre poche ?

— Oui, dit d’Artagnan, Athos a raison, il faut la brûler. Encore qui sait si M. le cardinal n’a pas un secret pour interroger les cendres ?

— Il doit en avoir un, dit Athos.

— Mais que voulez-vous faire de cette lettre ? demanda Porthos.

— Venez ici, Grimaud, dit Athos.

Grimaud se leva et obéit.

— Pour vous punir d’avoir parlé sans permission, mon ami, vous allez manger ce morceau de papier ; puis, pour vous récompenser du service que vous nous aurez rendu, vous boirez ensuite ce verre de vin. Voici la lettre d’abord. Mâchez avec énergie.

Grimaud sourit, et, les yeux fixés sur le verre qu’Athos venait de remplir bord à bord, il broya le papier et l’avala.

— Bravo ! maître Grimaud, dit Athos, et maintenant prenez ceci. Bien. Je vous dispense de dire merci.

Grimaud avala silencieusement le verre de vin de Bordeaux ; mais ses yeux levés au ciel parlaient, pendant tout le temps que dura cette douce occupation, un langage qui, pour être muet, n’en était pas moins expressif.

— Et maintenant, dit Athos, à moins que M. le cardinal n’ait l’ingénieuse idée de faire ouvrir le ventre à Grimaud, je crois que nous pouvons être à peu près tranquilles.

Pendant ce temps, Son Éminence continuait sa promenade mélancolique en murmurant entre ses moustaches :

— Décidément, il faut que ces quatre hommes soient à moi !