ma guérison que l’on voulait, le brave homme fut congédié après sa seconde visite. J’eus beau le redemander, le gouverneur répondit qu’il se refusait obstinément à me venir voir.
» Il me fallut donc me passer de médecin. Grâce au livre de Tissot, je continuai cependant de me traiter faut bien que mal. Mon œil seul allait empirant. Enfin Manscourt se rappela, dans des conditions à peu près pareilles, avoir vu une guérison opérée avec du sucre candi réduit en poudre et soufflé dans l’œil sept ou huit fois par jour. Nous nous procurâmes, du sucre candi et nous commençâmes ce traitement, qui avait au moins l’avantage de n’être pas difficile à suivre. J’en éprouvai une amélioration sensible, et, aujourd’hui, je n’ai plus sur cet œil qu’une légère taie qui, je l’espère, finira par disparaître tout à fait.
« Malheureusement, ma surdité et mes douleurs d’estomac allaient empirant sans cesse. Force me fut donc de redemander Carlin, qui ne me fut rendu qu’à la condition que, dans nos conversations il ne prononcerait pas un seul mot de français, et, dans ses visites, serait toujours accompagné du gouverneur.
» Carlin, en me revoyant, me trouva si mal, qu’il demanda une consultation. Depuis longtemps, je désirais moi-même cette consultation et l’avais inutilement demandée. Elle me fut accordée enfin, et se composa de Carlin, d’un médecin de la ville, du chirurgien du château et d’un chirurgien français que j’obtins à force d’instances auprès du marquis de Valvo, ministre napolitain en mission à cette époque à Tarente.
» À la porte, et au moment d’entrer, le gouverneur arrêta le chirurgien français :
» — Vous allez voir votre général Dumas, lui dit-il ; prenez bien garde de laisser échapper un seul mot français, ou sinon vous êtes perdu !
» Puis, tirant les six verrous qui nous tenaient prisonniers :
» — Vous voyez bien cette porte, dit-il, elle s’ouvre devant vous pour la première et la dernière fois !
» Alors tous entrèrent dans ma chambre et se réunirent