Sans doute, elles étaient restées sans réponse.
Alors le découragement l’a pris ; il s’est affaissé sur lui-même, et, enseveli dans l’ombre de sa non-activité, comme dans cette chambre des morts où les condamnés faisaient une dernière halte avant que de marcher à l’échafaud, il a attendu, dans un engourdissement mêlé d’accès de désespoir, ce moment suprême que la plupart de ses compagnons d’armes, plus heureux que lui, ont vu venir couchés sur le champ de bataille.
XVI
Je naquis, comme je l’ai dit au commencement de ces Mémoires, le 5 thermidor an x (24 juillet 1802), à quatre heures et demie du matin.
Je me présentais à la vie avec de grandes apparences de force et de vigueur, s’il faut en croire une lettre que mon père écrivait le lendemain de ma naissance à son ami le général Brune.
La lettre est étrange et possède même un post-scriptum assez excentrique ; mais ceux qui ont eu la patience de lire ces Mémoires jusqu’ici connaissent déjà le genre d’esprit de mon père, esprit tout de boutade et de verve, comme on peut voir.
D’ailleurs, ceux qui ne voudront pas avoir sur moi les détails que mon père donnait à Brune peuvent passer par-dessus cette lettre, sans la lire, ni elle ni son post-scriptum.
Telle quelle, la voici :
» Mon cher Brune,
» Je t’annonce avec joie que ma femme est accouchée hier matin d’un gros garçon, qui pèse neuf livres et qui a dix-huit