braient les cordes de son violon ou de son piano sous ses doigts longs, agiles et maigres comme ceux de Paganini.
Hiraux avait eu une jeunesse fantastique : il avait été enfant de chœur, souffleur d’orgues dans un couvent de moines piémontais, puis garçon épicier, puis ménétrier, puis maître de musique, puis enfin organiste.
Vous dire aujourd’hui comment ses premiers pas trébuchèrent sur les dalles de l’église de Bourg-Fontaine, — c’est ainsi que s’appelait le couvent où Hiraux fut élevé, — cela me serait assez difficile ; seulement, parfois il racontait, en se reportant à ses souvenirs d’enfance, comme aujourd’hui je me reporte aux miens, quelques-unes de ces grasses histoires de moines telles qu’on en trouve dans Rabelais et dans la Fontaine.
Hiraux était un répertoire vivant de ces vieilles traditions claustrales qui sont déjà si loin de nous autres hommes de quarante ans, qu’elles se perdent, comme de fantasmagoriques images d’un autre monde, derrière les premiers souvenirs de notre jeunesse, si bien que, pour les générations qui nous suivent, elles seront effacées tout à fait.
J’ai déclaré que je ne pouvais dire comment Hiraux était entré au couvent de Bourg-Fontaine ; mais je puis très-bien dire comment il en était sorti.
Hiraux était poltron ; seulement, il n’y avait pas moyen de lui faire un crime de sa poltronnerie ; c’était son originalité. D’ailleurs, il avait le bon esprit de s’en vanter, comme un autre se fût vanté de sa bravoure.
Or, il appartenait encore à cette bienheureuse époque où l’on faisait des farces, et il fut toute sa vie l’objet de facéties plus ou moins drolatiques, dont quelques-unes faillirent tout simplement le mettre au tombeau.
Ainsi que nous l’avons dit, ou, si nous avons oublié de le dire, ainsi que nous le disons, Hiraux cumulait au couvent de Bourg-Fontaine les fonctions d’enfant de chœur, et celles de souffleur d’orgues. En vertu de cette double qualité, il couchait dans la sacristie du couvent, et, tous les soirs, pour se rendre à sa chambre, il était obligé de traverser l’église.
C’était, pour lui, un moment de terreur quotidienne que de