Mon père était tout porté ; il reçut le commandement en chef de l’armée de l’Ouest.
Il commença par étudier les hommes qu’il avait à commander, comme le bon ouvrier, avant de se mettre à la besogne, commence par étudier l’outil qu’il a dans la main.
L’outil était mauvais, si l’on en croit le rapport de mon père. Maintenant, si on veut bien le lire attentivement, si on veut bien se reporter à l’époque où il a été écrit (17 vendémiaire an ii), on conviendra qu’il y avait dans ce rapport de quoi le faire guillotiner vingt fois.
C’est un miracle qui ne l’ait pas été une.
Voici ce rapport :
ARMÉE DE L’OUEST
17 vendémiaire an ii de là République une
et indivisible.
» Le général en chef au comité de salut public.
» Je n’ai différé mon rapport sur l’état de l’armée et de la guerre de la Vendée qu’afin de le faire sur des données certaines, acquises par mes propres yeux ; sans quoi, il n’eût été que l’écho des différents récits que j’entendais et qui m’étaient faits par des personnes qui avaient embrassé les choses chacune sous un point de vue différent : aujourd’hui, de retour de mon inspection, il en sera autrement ; je vais parler sur des faits qui sont à ma connaissance personnelle et sur des désordres dont j’ai été le témoin.
» Eh bien, il faut le dire, il n’est à l’armée de l’Ouest presque aucune partie, soit militaire, soit administrative, qui n’appelle la main sévère de la réforme. Les bataillons n’ont point de consistance. Les anciens cadres sont réduits à cent cinquante hommes.