ne s’était pas accomplie sans bruit, et Dermoncourt trouva Bonaparte sur la porte de son cabinet.
— Qu’y a-t-il donc ? demanda Bonaparte en fronçant le sourcil.
— Ma foi, général, répondit Dermoncourt, il y a qu’il n’est pas très-agréable, quand on vient de faire trente lieues en vingt-six heures, d’être obligé de passer sur le ventre de vos aides de camp pour arriver jusqu’à vous. — Mais si telle était cependant la consigne donnée ? — Si telle était la consigne donnée, général, dit gaiement Dermoncourt, faites-moi fusiller, car j’ai violé la consigne ; cependant je vous prierai de ne commander le piquet qu’après avoir lu cette dépêche.
Bonaparte lut la dépêche.
Puis, se retournant vers l’aide de camp :
— Vous avez oublié, monsieur, lui dit-il, que la consigne n’existait pas pour tout officier d’état-major arrivant de Mantoue, et qu’à midi comme à minuit la porte leur est ouverte ; rendez-vous aux arrêts.
L’aide de camp s’inclina et sortit[1].
— Comment Dumas s’est-il procuré cette dépêche ? demanda Bonaparte. Dermoncourt raconta l’affaire, et entra dans tous les détails.
— Berthier ! Berthier ! cria Bonaparte. Berthier parut avec sa gravité et son importance ordinaires.
— Tiens, Berthier, lui dit Bonaparte en lui présentant la dépêche, flaire-moi cela et dis-moi ce que cela sent.
— Mais, général, dit Berthier, cela sent la merde.
— Eh bien, à la bonne heure, tu n’as pas tourné autour ; lis maintenant.
Berthier lut.
— Oh ! oh ! fit-il.
— Comprends-tu, Berthier ? la prochaine bataille s’appellera la bataille de Rivoli, et celle-là, ou je me trompe fort, ou elle décidera de la campagne. En tout cas, comme dit Alvintzy, nous avons une vingtaine de jours devant nous.
- ↑ Cet aide de camp était Duroc.