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Page:Dumas - Mes mémoires, tome 10.djvu/126

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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

UNE PROMENADE DANS LE PARC D’ARENENBERG.

« Nous fîmes à peu près cent pas en silence, la reine et moi. Le premier, j’interrompis ce silence.

» — Je crois que vous avez quelque chose à me dire, madame la comtesse ? demandai-je.

» — C’est vrai, dit-elle en me regardant ; je voulais vous parler de Paris. Qu’y avait-il de nouveau quand vous l’avez quitté ?

» — Beaucoup de sang dans les rues, beaucoup de blessés dans les hôpitaux, pas assez de prisons et trop de prisonniers.

» — Vous avez vu les 5 et 6 juin ?

» — Oui, madame.

» — Pardon, je vais être indiscrète peut-être : mais, d’après quelques mots que vous avez dits hier, je crois que vous êtes républicain.

» Je souris.

» — Vous ne vous êtes pas trompée, madame ; et, cependànt, grâce au sens et à la couleur que les journaux qui représentent le parti auquel j’appartiens, et dont je partage toutes les sympathies, mais non tous les systèmes, ont fait prendre à ce mot, avant d’accepter la qualification que vous me donnez, je vous demanderai la permission de vous faire un exposé de principes. À toute autre femme, une pareille profession de foi serait ridicule ; mais, à vous, madame la comtesse, à vous qui, comme reine, avez dû entendre autant de paroles austères que vous avez dû écouter de mots frivoles comme femme, je n’hésiterai pas à dire par quel point je touche au républicanisme social, et par quelle dissidence je m’éloigne du républicanisme révolutionnaire.

» — Vous n’êtes donc point d’accord entre vous ?

» — Notre espoir est le même, madame ; mais les moyens par lesquels chacun veut procéder sont différents. Il y en a qui parlent de couper les têtes et de partager les propriétés : ceux-là, ce sont les ignorants et les fous… Il vous paraît étonnant que je ne me serve pas, pour les désigner, d’un nom